Nigeria, coronavirus et agriculture…
La police de Kano, au nord du Nigeria, a secouru le 24 juin dernier, 126 personnes qui, selon les policiers, ont été enfermées dans une usine de transformation du riz et forcées de travailler tout au long du confinement, soit du 27 mars au 8 juin. Cinq directeurs de cette usine appartenant à des Indiens ont été arrêtés pour « détention des hommes contre leur volonté ».
Lorsque le président de la république, Muhammadu Buhari a décrété le confinement afin d’empêcher la transmission du coronavirus, les travailleurs de l’usine en question n’ont pas été autorisés à quitter le moulin de Kano. Cela, avec la promesse de gagner 13 dollars par mois en plus de leur salaire de 72 dollars. Ceux qui n’ont pas accepté ont été menacés de licenciement.
Crise alimentaire
Pendant la période de ce « congé forcé », le Gouvernement nigérian avait débloqué 84 milliards de nairas pour se procurer des produits alimentaires (riz, mil, maïs…) et les distribuer aux populations comme mesure d’accompagnement. Hélas, les usines agroalimentaires et les paysans nigérians n’ont pas pu fournir la quantité de produits dont le Gouvernement avait besoin.
Les autorités étaient obligées de puiser dans les stocks pour satisfaire la population. Du coup, un appel a été lancé pour que les agriculteurs soient exemptés de confinement pour leur permettre de se rendre dans leurs fermes. Les usines agroalimentaires ont, elles, été autorisées à opérer. Cette démarche, selon les autorités, visait à éviter une crise alimentaire, voire la famine, après le confinement.
Le fléau de la corruption
En clair, selon les observateurs, les effets du Covid-19 ont, une fois de plus, mis à nu les insuffisances et les limites de la politique agricole du Gouvernement. Sinon, comment expliquer le fait que ce dernier, en trois mois, a été incapable de pourvoir aux besoins de sa population en produits alimentaires ? Pourtant, depuis 1999, date à laquelle le Nigeria a décidé de mettre l’accent sur l’agriculture, des milliards de dollars ont été engloutis dans le secteur. Des initiatives ont été prises par les différents Gouvernements qui se sont succédé. Une enquête menée par des ONG a révélé que seul le pouvoir central fait des efforts et que la majorité des gouverneurs d’État détournent les fonds destinés au secteur agricole à d’autres fins. Un développement qui donne raison à l’ancien ministre de l’Agriculture Akinwunmi Adesina (2011-2015), actuel président de Banque africaine de développement. Celui-ci avait tiré la sonnette d’alarme sur le fait que le plus grand problème du secteur agricole nigérian est la corruption. Pour un pays qui compte 36 États avec plus de 200 millions d’habitants, seul le nord du pays (19 États), considéré comme le grenier agricole du pays le plus peuplé du continent, a pu fournir les quelques produits agricoles disponibles, aux autres parties du pays, notamment le Sud.
Comme pour rattraper le temps perdu après le confinement, plusieurs États ont commencé à mettre les bouchées doubles afin de développer leurs secteurs agricoles. C’est le cas de l’État du Delta, dans le Sud. Là, pas moins de 5 000 agriculteurs ont été formés à la mise en œuvre du projet d’agriculture d’adaptation au changement climatique, avec l’aide de la Banque mondiale. Même son de cloche dans les États d’Ogun, d’Oyo et d’Osun, dans le Sud-Ouest : des intrants ont été accordés gratuitement aux agriculteurs pour qu’ils améliorent leurs productions.
Faut-il chaque fois attendre qu’une crise affecte l’économie nigériane pour que les Gouvernements locaux mettent en œuvre la politique agricole du pouvoir central ? Celle qui veut faire du secteur agricole le poumon de l’économie nationale afin de remplacer le pétrole dont le prix connaît une chute sans précédent depuis le début de la pandémie de coronavirus. Donc, on ne peut pas donner tort aux sociétés agroalimentaires comme Popular Farms qui avaient décidé d’opérer d’une manière clandestine pendant le confinement afin de subvenir aux besoins de la population…
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