En RDC, le maïs a la cote
L’engouement pour la céréale pousse les agriculteurs congolais à accroître leur production. Grilleurs et responsables des unités de transformation se bousculent pour se procurer ces graines.
Chaque soir, dans plusieurs coins de rue des villes de l’est de la République démocratique du Congo (Butembo, Beni, Bukavu, Bunia…) des grilleurs de maïs se comptent par milliers. Les consommateurs affluent. Problème : il faut débourser entre 100 et 200 Fc (franc congolais) pour s’acheter un épi grillé. La qualité et la demande conditionnent le prix. Selon le docteur Kawa Ndaghala, chef du service de l’Agriculture de la Pêche et de l’élevage en ville de Butembo, « certains agriculteurs n’attendent même plus que le maïs soit sec pour le récolter à cause de la forte demande des grilleurs ».
Cette nouvelle habitude alimentaire s’explique différemment. Fabien Paluku, un consommateur rencontré près d’un grilleur, se justifie que c’est pour le simple plaisir de grignoter ces grains. Pour sa part, Kakule Musienene, chef urbain de l’économie reconnaît que cet engouement est parmi les pratiques qui permettent à de nombreux habitants de consommer des protéines granuleuses. Car, dit-il, « ils sont peu habitués à faire du foufou avec de la farine de maïs plus riche que celle du manioc ».
Il y a encore plus de dix ans, rares sont des familles qui recouraient à la farine de maïs. Celle-ci était plus utilisée pour la fabrication de l’arac (une bière faite à base des maïs) et de boissons fortement alcoolisées. Aujourd’hui, les choses semblent changer. Le foufou fait à base de maïs est à tous les menus. « En cas de rupture de mon stock de farine de maïs, mes enfants sont presque déçus et ne mangent pas avec appétit », affirme Kahambu Espérance, qui revient du moulin. Même son de cloche pour Alphonse Syakoma, restaurateur à Goma : « C’est rentré dans la mentalité collective. Si vous voulez que vos clients vous quittent, servez-leur de la pâte à base de manioc ».
Les agriculteurs, premiers gagnants
Le diététicien Georges Musavuli, responsable du Cado, le Centre d’assistance aux diabétiques et obèses, indique que cet engouement pour le maïs est le résultat des « différentes sensibilisations sur les régimes alimentaires ». Selon lui, l’une des causes du taux élevé du diabète sucré dans la zone est la forte consommation non réglementée du manioc. « La journée, au menu du repas de nombreuses familles, vous trouviez du manioc, explique le diététicien. Or, le soir c’est encore de la pâte du manioc. Nous avons commencé à sensibiliser sur l’importance des protéines granuleuses. » Résultat : « Aujourd’hui, le foufou de maïs est devenu un des régimes alimentaires de base », se réjouit-il. L’assistance humanitaire y est aussi pour quelque chose. « Des personnes ont pris cette habitude de consommation avec la distribution des farines de maïs aux déplacés de guerre et aux victimes des différentes catastrophes naturels », explique Musavuli.
Cet engouement pour la consommation du maïs va jusqu’à influencer les agriculteurs de la région. « Actuellement, les producteurs font trois ou quatre cycles de production de maïs contre deux auparavant », constate Hubert Kasomo, agronome à Kirumba, à 200 km au Nord de Goma. Une bonne affaire pour les producteurs qui voient leurs revenus augmenter sensiblement. « Avant, on ne vendait pas assez, actuellement on a même du mal à satisfaire notre clientèle », assure un agriculteur de Rutshuru.
Cyprien Kibendelwa du Senacem, le Service national de contrôle et certification des semences, indique que « ces progrès sont dus à plusieurs facteurs tels que planter en ligne, produire des engrais, traiter les cultures aux biopesticides et utiliser les semences améliorées ». Le paysan producteur vend une partie de sa production, consomme l’autre et garder le reste comme semence pour la prochaine saison. « Avant, la production atteignait difficilement 100 kg sur 25 m². Aujourd’hui, ce chiffre peut être multiplié par trois voire cinq », se réjouit une agricultrice.
Reste que la forte concurrence sur le maïs met parfois les agriculteurs dans le dilemme. Ils vont jusqu’à céder aux premières sollicitations avant même la récolte. « Il arrive que la récolte d’un champ de maïs soit achetée d’avance », précise Kasereka Musondolya, grilleur de maïs depuis quatre ans, père de deux enfants qu’il nourrit grâce à ce métier. Chaque matin vers cinq heures, il se rend dans les villages environnant la ville à la recherche de marchandise. « Chaque jour, je vais jusqu’à écouler 80 kg de maïs frais », confirme-t-il, recomptant une somme d’argent pour donner le change à ses clients.
Cette forte demande de maïs frais asphyxie le marché du sec destiné à la production de farine. Des entreprises de transformation sont obligées d’aller plus loin pour s’approvisionner. C’est le cas de la Coopérative centrale du Nord-Kivu, Coocenki. Cette dernière, en plus de la semence qu’elle fournit aux agriculteurs de Rutshuru, Kayna, Kirumba, Mungualu et ailleurs, met à leur disposition des engrais chimiques et des agronomes pour le suivi du cycle de production. C’est au prix de tous ces efforts que Coocenki parvient à se procurer le stock de maïs destinés à la production de la farine.
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