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L’or vert remplacera-t-il l’or noir ?

L’Algérie mise sur l’agriculture

Publié le 23/02/2018 - 09:08
Les dix poulaillers, ou « hangars », comme dit notre guide, de l’EURL Khider, à Hassi Fedoul, dans la wilaya de Djelfa. © A. Hervé

Bonne ambiance dans le poulailler. © A. Hervé
La crise du pétrole aidant, l’Algérie mise notamment sur l’agriculture pour redresser son économie. Pour nous en rendre compte, nous sommes allés voir quelques fermes – volailles, lait – et un abattoir de grandes dimensions. L’investissement privé y est conséquent. Seule solution efficace pour que le pétrole vert algérien prenne enfin son envol. Reportage entre Aïn Oussara et les hauts plateaux de la wilaya de Constantine.

 

Il faut d’abord traverser des plaines céréalières, puis des hauts plateaux, des champs de melons, des lignes de cactus, des vignobles de raisins de table, quelques rares bandes de moutons... Et puis, dans une terre sableuse et sous un climat aride, c’est Aïn Oussara. Nous sommes à 200 km au sud d’Alger, dans la wilaya (région) de Delfa. Là, derrière un poste de sécurité, un énorme abattoir en construction.

Des fournisseurs  de nombreux pays participent à  la construction  des complexes avicoles algériens. Comme cet Italien à Hassi Fedoul, dans la wilaya de Djelfa,  à 320 km au  sud d’Alger. © A. Hervé

 

Des projets agro-industriels fleurissent dans le pays

Antar Ihoual, vétérinaire de l’élevage bovins du Groupe Boussouf. © A. Hervé
Nous sommes vendredi, jour de prière, mais Hadj Ghedir, nous fait visiter les lieux. Inox, informatique, traitement des déchets, adoucisseur d’eau… : tout y est pour répondre aux normes internationales. Les fournisseurs sont italiens, espagnols, hollandais, allemands, quelques rares Français… « Nous sommes en période de réglage, mais à terme nous abattrons 6 000 poulets et 2 000 dindes à l’heure, explique le chef d’équipe. Ça sera le plus grand abattoir de volailles du pays. »

Avec des ressources pétrolières en chute, l’Algérie, comme le Nigeria en dessous, mise sur l’agriculture. Des projets agro-industriels fleurissent dans le pays. Ils sont menés par des hommes d’affaires locaux, parfois associés à des étrangers (49 % des parts maximum). Objectif : atteindre l’autosuffisance alimentaire, voire exporter. « Nous voulons atteindre 5 % de croissance agricole annuelle et baisser la facture des importations alimentaires de 30 % d’ici 2019 », expliquait déjà Chérif Oamri, du ministère de l’Agriculture, en 2016 en présentant le programme de développement agricole du pays.

 

« On trait soixante vaches en dix minutes »

En lait, ce programme prévoit une « réduction à 0 % de l’importation de poudre de lait destinée à la fabrication de produits dérivés en 2019 ». Le pays en est loin.

Boukhari Bouldjouaa, responsable de la traite de l’élevage du groupe Boussouf. © A. Hervé
À Sidi Khelifa, sur les hauts plateaux de la wilaya de Wila, près de Constantine, Martino Muraglia, gère la ferme laitière du groupe Boussouf, construite par les Chinois sous consulting italien. L’usine plutôt : soixante vaches pour l’instant, mais « 2 000 bovins à terme, dont 1 000 vaches à la traite », détaille l’Italien. Devant nous, une salle de traite deux fois trente postes. « Ici, on trait soixante vaches en dix minutes, trois fois par jour, explique Boukhari, le responsable de la traite. à terme, nous visons les 30 000 litres par jour. »

Mohamed, le chauffeur, montre une découpe de dinde fraîchement sortie de l’abattoir d’Abdelkader Khider à Aïn Oussera. © A. Hervé
En cette mi-octobre, il fait bon, ici, à 1 100 mètres d’altitude. Mais « en hiver, il y a de la neige et en été il fait 40 °C », explique Amel Benchaabane, l’une des deux vétérinaires de l’exploitation. Résultat : les holstein de compétition, toutes importées d’Italie, ne sortent jamais des cinq stabulations. « Nous leur distribuons de l’ensilage d’orge et de triticale, du foin, de la luzerne et du concentré importé (soja, maïs) », poursuit Martino. L’exploitation compte 1 500 hectares. En repartant, une énorme réserve d’eau et une rampe d’arrosage dernier cri nous rappellent que l’irrigation est l’une des cinq idées-forces du modèle de croissance algérien avec l’intégration, l’innovation, l’inclusivité et l’investissement privé.

Les assiettes d’alimentation attendent d’être redescendues à Hassi Fedoul. © A. Hervé

Production laitière : les Bretons en experts
De 2012 à 2014, l’association Bretagne Filières a appuyé la filière laitière algérienne via son programme Alban. Doté de 2,28 millions d’euros (M€), Alban a permis d’augmenter de 40 % la production par vache, de produire 14 millions de litres supplémentaires et d’économiser 4,9 M€ de poudre de lait, selon BF. Les 40 formateurs bretons ont suivi individuellement plus de 300 élevages. Des conseillers ont été formés et une coopérative a été créée. « à ce jour, nous ne travaillons plus en Algérie, explique Floriane Le Norcy, qui suivait le projet. Mais les groupes d’appui locaux sont restés en place sous la tutelle de l’Office du lait et du ministère de l’Agriculture. »

 

Témoignages : « Aujourd’hui, en Algérie, les mentalités changent… »
Lors des trois jours de reportage, nous avons rencontré plusieurs acteurs de l’élevage algérien. Voici quelques témoignages.
• Abdelmounam Boutout est responsable technique de l’élevage reproductrices chair du groupe Boussouf à Oued Athmania, dans la wilaya de Mila, près de Constantine. Celui-ci comporte douze bâtiments pour un total d’environ 65 000 animaux. Ambiance contrôlée, refroidissement, pad cooling… : tout y est pour élever les volailles dans la modernité. « Nous avons installé des barrières sanitaires strictes – rotoluve, pédiluve – avec un accès contrôlé aux bâtiments, même pour les ouvriers », explique Abdelmounam en montrant ces installations. On comprend pourquoi il n’y a « pas de problème sanitaire particulier dans l’élevage », comme dit le jeune vétérinaire.
• Abdasselem Rabia est le patron de l’usine de prémix et CMV Safana, à Sétif, à l’ouest d’Alger. « Ici, nous fabriquons 40 tonnes/jour pour les ruminants et les volailles, explique-t-il devant la chaîne de conditionnement. Nous avons cinq points de vente dans le pays et près de 30 % du marché national. Nos principaux concurrents sont français et belges. Avant, la mentalité des gens, ici, était de préférer les produits d’importation. Mais maintenant, ça change, beaucoup reviennent à des produits locaux. »
• Boukhari Bouldjouaa, responsable de la traite dans l’élevage laitier du groupe Boussouf à Sidi Khelifa, près de Constantine : « Avec nos deux fois trente postes, nous trayons soixante vaches en 10 minutes à trois personnes et trois traites par jour, explique-t-il en actionnant le lavage automatique de la rampe d’accès d’une salle de traite ultramoderne. Pour l’instant (mi-octobre, ndlr) nous trayons 60 vaches qui donnent environ 32 kg de lait par jour en moyenne, mais à terme, nous en aurons un millier. » On comprend mieux la taille des tanks à lait dans la salle adjacente….

 

Merci à Abbes, notre guide du jour. © A. Hervé

Merci à Abbes, notre guide du jour

« Nous assemblons des poulaillers, fabriquons des armoires électriques, achetons chez des fournisseurs italiens, hollandais, espagnols… ». Merci à Abbes Djabou, le patron de l’entreprise d’équipements de volaille Poultech, à Sidi Embarek, qui nous a conduits tout au long de ce reportage. Grâce à lui, nous avons pu rencontrer plusieurs acteurs importants de l’élevage algérien bovin et avicole. 

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