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Protection des cultures, fertilisation

Le système D des fermiers congolais

Publié le 08/09/2016 - 15:24
Arrosage avec de l’engrais Ecosan, qui n’est rien d’autre que des urines humaines recueillies dans des récipients fermés hermétiquement pendant 30 jours. Photos : Hervé Mukulu

Depuis quelque temps en République démocratique du Congo, la pluie ne tombe plus aux mois et quantités habituels. Pourtant, c’est elle qui régule le calendrier agricole. Face à ce changement, les agriculteurs cherchent des solutions. Parmi elles, l’engrais naturel Ecosan ou des « médicaments » pour les plantes.

Courbée sur ses choux, Mme Masika vérifie l’état de ses plants après une pluie inhabituellement abondante. Nous sommes en octobre 2015 à Butembo, ville agricole du Nord-Kivu au Nord-Est du pays. Pour elle, les dégâts ne sont pas encore graves mais si cette pluie continue, elle craint des maladies pour ses plants. « On ne sait plus comment s’y prendre, explique Mme Masika, le cœur plein d’amertume. Les deux dernières moissons, je n’ai presque pas récolté de tomates. Les maladies ont tout ravagé après une pluie inattendue d’une semaine. Pourtant, tout le monde a toujours envié mes tomates. C’est pourquoi j’essaie les choux. On verra ce que ça va donner ».

Il pleut toute l’année

« Nous sommes pris au dépourvu par la carence de pluie au moment où il fallait de l’eau en abondance », renchérit Emmanuel Kaviri, animateur au sein du Consortium de l’agriculture urbaine de Butembo (CAUB). Cette ONG encadre des producteurs de produits vivriers.

« Nous attendions cette pluie pour le neuvième mois, et la voilà en abondance le dixième, poursuit Maanirio, producteur de tomates que nous trouvons en train de pulvériser son champ de médicaments. J’ai pu sauver mes plantules par l’arrosage quotidien, mais quand la pluie tombe diluvienne au dixième mois, je ne peux que m’en remettre à Dieu. » Un bidon dans le dos, une pompe à la main, Maanirio fait le tour de son champ en pulvérisant ses plantules. Il ne cesse de pester contre la grêle qui les a détruites ou blessées. Certaines ont pourri suite aux attaques de maladies. « Je vais en repiquer d’autres, je verrai ce que cela va donner », nous indique-t-il.

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« Dans la région de Butembo, il pleut normalement toute l’année. Néanmoins, on répertorie deux saisons pluvieuses et deux saisons sèches, explique Sorel Wasukundi, ingénieur agronome. À certaines périodes toutefois, la pluie est plus abondante qu’à d’autres depuis un certain temps, et parfois il ne pleut presque pas. C’est pourtant sur cette base qu’est établi le calendrier agricole. D’où le fait que les agriculteurs sont pris au dépourvu ».

À Butembo, comme souvent dans le pays, les produits phytosanitaires sont jugés trop coûteux vu la rentabilité des fermes. « J’ai du mal à me résoudre à acheter des produits pharmaceutiques pour mes petits pois car je ne suis pas sûr de ce que ça va donner, explique Katembo Tsongo, agriculteur. J’ai perdu mon temps et mon énergie. Je ne vais pas aussi perdre mon argent. »

« Avec cette période de sécheresse inattendue, nous leur prescrivons tout d’abord d’arroser, mais surtout d’utiliser des engrais biologiques qui peuvent jouer plusieurs rôles à la fois, renseigne fièrement Dalmond Kathuko, un ingénieur agricole qui a mené une étude sur les engrais biologiques. C’est le cas de l’engrais Ecosan, qui n’est rien d’autre que des urines humaines recueillies dans des récipients fermés hermétiquement pendant 30 jours. Une fois dans le champ, elles arrosent autant qu’elles fertilisent le sol. »

« Un petit élevage de survie »

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« Cela fait partie de la culture locale d’avoir un petit élevage de survie à la maison, poursuit Sorel Wasukundi. Il est souvent constitué de poules, de chèvres, de lapins, de cochons… De plus en plus, les agriculteurs comprennent que, loin d’être des déchets encombrants, les fientes de ces volailles et de ces animaux constituent un bon engrais pour la fertilisation du sol. Par contre, pour les cultures telles que les tomates ou les choux, on est obligé d’acheter des produits pharmaceutiques. Certains viennent d’Inde à des prix relativement acceptables, même si leurs performances restent discutables ».

L’ingénieur conclut : « D’aucuns pensent (qu’avec le changement climatique, ndlr) qu’il faudrait envisager le changement de calendrier agricole. Mais pour y arriver, il faut prélever les données d’une trentaine d’années, ce qui n’est pas à notre portée. Néanmoins, pour cette saison, le semis de haricots, qui a souvent lieu à partir du 15 septembre, a finalement commencé le 15 octobre… »

 

Butembo
Une agriculture de survie

La ville de Butembo s’étale sur 190 km2 et compte près de 800 000 habitants dans le Nord-Kivu, à l’ouest des montagnes des Virunga au Nord-Est de la République démocratique du Congo. À Butembo, pour la survie alimentaire, il n’existe aucune agriculture industrielle. Les champs sont mesurés en termes de parcelles. Les « grands » agriculteurs de la région comptent à peine quelques hectares. Bien que majoritairement agricole, la ville de Butembo est aussi commerciale. Elle importe des produits asiatiques et dessert ainsi la grande partie de l’Est de la RDC.

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