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Analyse

Le Nigeria doit protéger sa filière bétail

Une éleveuse foulani recueille du lait dans un centre de collecte à Dangwala Karfi, au Nord du pays. Photo : DA

L’agence qui régularise les stations de radio et les chaînes de télévision au Nigeria (la National Broadcasting Commission) a accordé une licence d’opérer une radio à la Commission nationale pour l’éducation des nomades. Objectif : développer et gérer des programmes de sensibilisation à l’éducation des nomades.

Cette démarche fait suite à la promesse du président Muhammadu Buhari de mettre fin aux affrontements sanglants entre les nomades foulanis et les agriculteurs. En effet, ces affrontements ont pris des proportions alarmantes depuis l’année dernière. Des présumés Foulanis lancent des attaques dans plusieurs parties du pays, avec à la clé des centaines de morts depuis le début de l’année. La dernière en date remonte à mi-juillet, quand des présumés nomades ont attaqué trois villages dans l’État de Sokoto, dans le Nord-Ouest du Nigeria, faisant au moins 37 morts. Ces attaques, selon des observateurs, pourraient à l’avenir entraîner la famine au Nigeria. Et pour cause, les agriculteurs dans plusieurs parties du pays abandonnent leurs fermes de peur d’être attaqués.

Tension entre présidence et États

Outrée par ces incidents, la présidence nigériane est montée en première ligne en créant des espaces verts appelés « Ruga » dans les 36 États de la fédération, afin de mettre fin à la mobilité des troupeaux à travers le pays. À l’exception de quelques États du nord, tous les États du sud, de l’est et de l’ouest ont rejeté la proposition du Gouvernement nigérian. Les gouverneurs des États qui s’opposent au « Ruga » estiment que leurs communautés ne peuvent pas vivre sur le même territoire que des nomades foulanis qu’ils qualifient de « terroristes ».

En dépit de leur opposition, le Gouvernement fédéral souhaite s’approprier de force des terres dans les 36 États de la fédération pour établir ces espaces verts, s’appuyant sur la loi foncière de 1978. Celle-ci stipule que la terre appartient à l’État. Cette situation a créé une vive tension entre le pouvoir central et les États qui s’opposent au « Ruga ». Ainsi, des érudits comme le Prix Nobel de littérature, Wole Soyinka, ont mis en garde le Gouvernement contre le fait qu’une telle situation pourrait déclencher la guerre civile au Nigeria. Raison pour laquelle le président Buhari a, pour l’heure, suspendu le projet d’espace vert. Changeant son fusil d’épaule, il a alors créé une radio en ondes courtes en langue foulani – l’ethnie du président, NDLR – afin d’éduquer les nomades.

Le secteur agricole déjà impacté

Apparemment, ce projet est noble, car cette radio permettra d’atteindre les nomades qui sont pour la plupart analphabètes. Et là où ils se trouvent, puisqu’ils sont en permanence en déplacement. Cela dit, certains observateurs avertis estiment que ce projet n’est pas certain de mettre un terme aux attaques contre les agriculteurs. Et pour cause, la manière dont ces attaques sont menées fait davantage penser que ce sont de purs terroristes plutôt que des nomades. Aussi, l’association des éleveurs du Nigeria, Miyetti allah, continue de crier haut et fort que ces actes ignobles ne sont pas perpétrés par ses membres. Dans certains milieux, on pense qu’il pourrait s’agir de membres de la secte Boko Haram : chassés de la forêt Sambisa, leur fief, ils se seraient infiltrés dans la société pour déstabiliser le pays…

Voilà pourquoi le Gouvernement nigérian doit mettre en état d’alerte maximum ses agences de sécurité, surtout le service d’intelligence, pour mener une enquête minutieuse afin d’appréhender ceux qui se cachent derrière ces attaques. Car, à ce jour, personne n’a été arrêté. Sinon, cette situation sera, à terme, préjudiciable à la filière bétail et par ricochet au secteur agricole tout entier. Des États tels que l’État de Benue, au centre, ont promulgué des lois interdisant la mobilité du bétail. Cela affecte déjà la production laitière puisque le gouverneur de la banque centrale du Nigeria, Godwin Emefiele, a récemment tiré la sonnette d’alarme sur le fait que le Nigeria dépense « plus de 120 millions de dollars chaque mois pour importer du lait dans le pays ». Raison pour laquelle le Gouvernement fédéral doit agir vite pour sauver la filière bétail et permettre sa mobilité à travers le pays.

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