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Seydou Hamadou, vétérinaire, représentant de Ceva au Nigeria

« Il faut un plan d’urgence contre la grippe aviaire »

Publié le 07/09/2016 - 15:20
Le docteur Seydou Amadou. Photo : Daouda Aliyou

Contribuant pour 25 % au produit intérieur brut agricole du Nigeria, le secteur avicole est menacé par la grippe aviaire. Elle touchait 24 des 36 États de la fédération début juin. Le docteur Hamadou fait le point sur cette épidémie.

Quel est l’état des lieux de la grippe aviaire au Nigeria ?
Seydou Hamadou :
Le premier cas de grippe aviaire dans l’histoire du Nigeria date de janvier 2006. Un foyer d’influenza aviaire avait été identifié puis confirmé par l’Organisation internationale des épizooties (OIE) dans l’État de Kaduna. Les mesures de contrôle de la maladie ont rapidement permis de maîtriser la situation et de redémarrer les activités après les actions sanitaires. Parmi celles-ci, on peut citer la biosurveillance, l’abattage et l’incinération des cadavres, la désinfection des élevages et l’amélioration des mesures de biosécurité. En janvier 2015, un cas de grippe aviaire a été confirmé dans la partie nord du pays dans l’État de Kano. Puis de nouveaux cas furent confirmés dans d’autres États : Lagos, Rivers, Ogun, Delta, EDO. Et en un rien de temps, en février 2015, 18 États sur 36 étaient concernés par l’influenza aviaire. Actuellement, 24 États sont concernés par cette maladie. Et si rien n’est fait concrètement dans les prochains mois, la situation risque de se détériorer totalement.

La crise de cette année semble moins bien gérée que celle de 2006…
S. H. :
En 2006, le pays a su contenir la maladie parce que des mesures de contrôle ont été mises en place de façon effective en vue de l’identification des foyers et de la protection des élevages. Il s’agit de la déclaration des cas et du dédommagement des éleveurs. Cela n’a pas été le cas dans cette deuxième phase de grippe aviaire. Il n’y a pas eu de véritables dispositifs de compensations des éleveurs touchés par la maladie. Du coup, chacun gère son information en interne en vue de protéger son propre investissement. Cela dit, une fois que la présence de la maladie a été annoncée, la plupart des gros élevages ont amélioré leurs mesures de biosécurité. Je dois dire aussi qu’il y a eu une bonne coopération entre les éleveurs et que le ministère de l’Agriculture a bien communiqué auprès de la population qui a eu une certaine peur vis-à-vis des produits avicole (œufs, viande). Par contre, au niveau des autorités politiques, la question de la vaccination reste problématique.

Qu’avez-vous constaté dans les fermes visitées ?
S. H. :
Déjà, chaque éleveur essaie de contenir les informations sur l’état sanitaire de sa ferme, en interne et souvent de manière confidentielle. Quelques aviculteurs se sont ouverts à nous. Toutefois, avec la panique un peu partout, il n’est pas facile d’avoir accès aux bâtiments d’élevage. Mais on voit que la biosécurité est prise au sérieux dans la plupart des zones touchées.

Avez-vous tenté d’aider certains fermiers ?
S. H. :
Oui, via des conseils sur les mesures sanitaires : amélioration de la biosécurité, désinfection, mesures de prévention contre les contaminations humaines… On leur a dit de ne pas avoir de contact avec les oiseaux morts, de se laver les mains avec du savon après le contact, etc. Notre objectif est de limiter les risques de contamination humaine, de propagation de la maladie, et le mouvement des personnes des zones non infectées vers les zones infectées.

Vous êtes-vous rapproché, avec votre société, des autorités nigérianes ?
S. H. :
Bien sûr, j’ai contacté certaines autorités des gouvernements étatiques, et même du gouvernement fédéral. L’objectif est de voir ensemble ce qu’il faut mettre en place comme dispositif de contrôle.

Quelle a été l’attitude des autorités ?
S. H. :
Elles étaient attentives et curieuses sur les différentes possibilités en matière de mesures sanitaires et médicales. Mais il faut noter qu’il y a des divergences sur la connaissance des risques associés à la vaccination contre la grippe aviaire. Pour le moment, l’option de la vaccination n’est pas envisagée.

Que préconisez-vous pour freiner la propagation de cette épidémie ?
S. H. :
Tout d’abord, il faut qu’un plan d’urgence soit décrété sur l’ensemble du pays. Il doit être organisé sur l’ensemble des États affectés, sans pour autant effrayer la population. Le gouvernement doit mettre à disposition les moyens matériels, humains et financiers nécessaires à cette lutte. Tout ceci devrait encourager les acteurs à déclarer de manière spontanée tous les cas de suspicion afin d’amorcer une enquête épidémiologique en collaboration avec les laboratoires nationaux. Une fois la circulation du virus maîtrisée, on pourra envisager l’option d’une vaccination ciblée, dans un premier temps, en direction des reproducteurs. Car toute atteinte à cette population de reproducteurs constitue une atteinte à l’industrie avicole dans sa globalité.

Ne pensez-vous pas que cette maladie pourrait toucher bientôt les 36 États du Nigeria, et par ricochet quelques pays de la sous-région ?
S. H. :
Si le plan d’urgence n’est pas très bien organisé, il y aura des zones de faille qui donneront une chance à la propagation du virus. Tout est une question de priorité et d’engagement. Si le gouvernement s’engage bien, il y a de fortes chances que des États puissent être nettoyés du virus.

Qu’elle doit être la réaction du fermier vis-à-vis de cette maladie ?
S. H. :
Les fermiers doivent toujours garder un œil sur les mesures sanitaires qu’ils doivent mettre en place afin d’éviter l’introduction et la propagation du virus dans leur élevage : désinfection, biosécurité, mouvements des personnes et de matériels dans les élevages, etc.

Et les autorités ?
S. H. :
Elles doivent se doter d’un dispositif de biosurveillance pour suivre de près la situation épidémiologique dans chaque partie du pays. Ceci permet d’agir efficacement en cas de suspicion de la maladie.

Zoom
Une maladie transmissible à l’homme

L’influenza aviaire, ou grippe aviaire, parfois désignée par le terme de peste aviaire, est une infection virale généralement inapparente chez les oiseaux sauvages. En revanche, chez les oiseaux domestiques, elle peut aller de la forme inapparente ou peu grave (influenza faiblement pathogène, FP) à des formes extrêmement graves. Il s’agit alors de l’influenza aviaire hautement pathogène (HP). Elle est inscrite sur la liste des maladies réglementées au plan international et est sujette à déclaration obligatoire auprès de l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale). L’influenza aviaire est reconnue comme une zoonose, c’est-à-dire une maladie qui se transmet de l’animal à l’homme. Cette transmission peut être directe, par contact entre oiseaux infectés et oiseaux sensibles, ou indirecte via différents vecteurs mécaniques, transporteurs potentiels de matières contaminées. Elle peut aussi s’opérer par voie aérienne – inhalation d’aérosols ou de poussières infectées – ou par voies digestives – ingestion d’eau ou d’aliment contaminés par des matières fécales infectées…

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